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Cahiers d'économie politique, Banques centrales

Cahiers d'économie politique, Banques centrales

Intrigué par l’influence de la politique monétaire sur l’économie, j’ai entrepris la lecture de cette revue spécialisée pour acquérir les bases théoriques et historiques suffisantes à la compréhension du rôle des banques centrales. On pourra projeter cette réflexion sur les outils de politiques monétaires capables de mettre en oeuvre une économie durable. De plus il convient de considérer toute analyse économique en prenant en compte que celles-ci sont exprimées dans ces unités que sont les monnaies.

Ces notes de lecture sont avant tout un moyen personnel de structurer mes pensées. Elles peuvent s’adresser à une audience curieuse d’en apprendre sur le sujet, cependant je réfère cette audience vers les sources citées pour davantage de précisions.

1. Une perspective historique de la monnaie

De l’antiquité au moyen-âge la monnaie est essentiellement sinon exclusivement une monnaie métallique. Des pièces de métaux précieux sont l’objet du sysème monétaire qui peut-être soit dualiste, où les pièces ne comportent pas la mention de leur valeur en unité de compte, ou bien unitaire sans valeur nominale en unité de compte. Le régime dualiste permet aux autorités de faire varier la valeur en unité de compte de ces pièces. Cette mutation nominale peut accroître la valeur en unité de compte de la masse monétaire et ainsi répondre à un enjeu majeur des monnaies métalliques qui est l’approvisionnement en métal. Cet approvisionnement est limité par les ressources minières du pays ou par sa capacité à acquérir ces ressources, ce qui peut entrainer une rareté de la monnaie. La mutation nominale décrétée par le prince permet éventuellement à celui-ci de se désendetter de ses dettes en unités de compte, rien de nouveau sous le soleil, surtout en périodes de crises ou de guerres, provoquant potentiellement des fortes dévaluations de l’unité de compte par rapport à la référence métallique.

Au XIIe siècle, l’Europe adopte largement le régime unitaire, ce qui permet la stabilisation monétaire. Le revers de cette stabilité est l’inélasticité au besoin de circulation et la nécessité pour les hôtels des monnaies royaux de se procurer du métal pour accroître la masse monétaire, la monnaie s’appréciant par manque de métal. Cette pénurie entraîne parfois l’émission de monnaies alternatives de nécessité pour répondre au besoin de circulation.

Au XVII et XVIII siècle, correspondant à l’émergence des premières banques nationales, en Suède puis en Angleterre notamment, la monnaie papier convertible se développe. Le papier est convertible en métal par des établissement privés à un taux fixe décretée par le souverain. Le métal constitue la base monétaire, ou la réserve. On abandonne donc la valeur intrisèque du régime métallique et les règles de création et destruction monétaire commencent à jouer à plein. La référentialité, soit la valeur des moyens de paiements en unité de compte s’en trouve changée.

Je cite ce tableau de l’article qui résume les trois principes référentiels :

RéférentialitéRisquesDébats
Convertible (en métal)Billets non couverts par les réserves (panique bancaire)ALM (gestion actif-passif) des émetteurs
Gagée (collatéral)Collatéraux insuffisants ou non réalisables, valeur du collatéralMonnayage de la terre, quels collatéraux (assignats de la révolution française)
Auto-référentiellesEmissions excessivesQuelles limites à l’émission de papier-monnaie, liée aux ressources fiscales futures ou réserves inconvertibles pour créer confiance

Avec ces nouvelles référentialités apparaissent les risques d’illiquidité ou d’insolvabilité, relevant du manque de confiance dans la capacité de convertibilité ou de réalisation des recettes anticipées. On voit se dessiner la question centrale aujourd’hui de confiance dans l’emetteur, sur la qualité de ses actifs (en valeur et en liquidité notamment) ou de ses perspectives de recettes. C’est ainsi que les établissement privées se voient contribuer à la crétion monétaire par la créance privée. Le banquier acquiert des garanties à son actif et émet un moyen de paiement, en unité de compte, à son passif.

En surcroit des nouveaux fonctionnement monétaires, le papier monnaie diminue les coûts opérationnels de l’émission monétaire et il serait intéressant de comparer les différents supports de monnaire (métal, papier, numérique) sous cet aspect, incluant également le contrôle financier.

Au tournant de ces changements monétaires, les écrits de Galiani, Turgot (et Condorcet), Hume, Lavoisier, Dupont de Nemours, Mill.

Montesquieu et Hume critique d’ailleurs ces nouveaux systèmes de monnaie, et de crédit. Je les cite pour leur ironie.

“Peuples de Bétique, voulez-vous être riches ? Imaginez-vous que je le suis beaucoup, et que vous l’êtes beaucoup aussi ; mettez-vous tous les matins dans l’esprit que votre fortune a doublé pendant la nuit ; levez-vous ensuite ; et, si vous avez des créanciers, allez les payer de ce que vous aurez imaginé ; et dites-leur d’imaginer à leur tour.” Lettres persanes, Montesquieu

La période monétaire moderne pourrait débuter après la fin du système de Bretton Woods, la fin de la convertibilité-or du Dollar, alors monnaie de réserve internationale. L’histoire du contrôle des changes est traitée également plus tard dans la revue avec les travaux de Triffin notamment et est indispensable à la compréhension monétaire de la période moderne, globalisée.

La création n’est pas l’apanage des établissement centraux, il serait intéressant de considérer toute l’étendue des sources de création monétaire.

2. Evolution des politiques des banques centrales

La revue évoque les politiques de banques centrales, au travers notamment de l’exemple de la Bundesbank, fortement influencée par la pensée ordolibérale allemande, laquelle servira de modèle à la Banque Centrale Européenne. L’analyse porte particulièrement sur les questions des politiques des banques centrales en période de crise de liquidité. Dans ce contexte les banques centrales peuvent intervenir pour fournir des liquidités, soulevant la question de l’aléa moral critiqué par l’ordolibéralisme, appliquée largement à travers les politiques non conventionnelles actuellement. La politique consensuelle à ce jour, suite aux propos de Mario Draghi accorde un grande importance au contraire à la communication des banquiers centraux pour éviter ces crises de liquidité ou de solvabilité en maintenant une confiance. Cette question est également discutée à travers les responsabilités de transparency, accountability, communication des banques centrales (vision de Keynes sur le sujet) pour gérer les expectations. L’aléa moral, dans le cas des dettes publiques suscite la question de l’intégration politique des entités fédérales régies par une banque centrale unique, comme l’Allemagne à la création de la Reichsbank (acte final de la construction fédérale), ou la BCE aujourd’hui (étape de coopération entre Etats, encore non intégrés au plan fédéral). Le mandat de la BCE défini par Maastricht, inspiré de cet ordolibéralisme exclut le rôle de prêteur en dernier ressort et dispose également le non-renflouement. Ce mandat inspiré par la Bundesbank érige une BCE indépendant de la politique européenne, attaché à la stabilité des prix uniquement, et la neutralité de sa politique monétaire. On constate cependant qu’en période de crise les politiques monétaires s’éloignent facilement du modèle monétariste (Friedmann, monnaie neutre, inflation uniquement monétaire TQM, monnaie comme actif dirigé par taux directeur où demande de monnaie dépend du rendement des actifs avec objectif de croissance monétaire égal au taux de croissance du PIB), d’où un légitime questionnement de celui-ci.

Les réflexions ultérieures pourront porter sur le dépassement de ce mandat anti-keynesien (écouter les dernières déclarations de Christine Lagarde sur le sujet)

La controverse entre la Currency School et la Banking School a nourri les théories de politiques monétaires, ces débats devant néanmoins être replacés dans le contexte historique de la monnaie décrit plus haut.

Currency school : Elle suit la théorie quantitative de la monnaie (monétarisme, masse monétaire et vitesse de circulation) initiée par Ricardo ou Mill, suggère que l’émission de monnaie est exogène et doit être strictement limitée par des règles afin d’éviter l’inflation. Selon cette école de pensée, il exsite un lien entre masse monétaire et niveau des prix. La création monétaire est aussi imparfaite et n’est pas uniformément distribuée, ce qui peut être un axe de politique monétaire comme un vecteur d’inégalité. L’inflation peut toutefois être aussi provoquée par une crise d’offre (conflit de répartition) contrairement à la pensée monétariste qui considère l’inflation comme de source monétaire. Certaines crises au XIXe siècle ont mis à mal ces principes en nécessitant une intervention massive.

Banking school : Pour la banking school, l’émission monétaire doit répondre aux besoins de liquidité de la sphère économique. Dans le cas où la banque centrale ne répondrait pas à la demande de monnaie, d’autres acteurs se substitueraient pour créer de la monnaie.

Le ciblage de l’inflation (NZ 1989) s’est imposé comme substitut au ciblage monétaire (Bundesbank 1974), plus facile à mesurer, pour assurer la stabilité des prix qui est un des mandats (à défaut de l’unique) de la plupart des banques centrales.

La revue pointe la complémentarité de la politique monétaire avec d’autres intruments et en particulier les partenaires sociaux, comtpe tenu de leur rôle dans les revendications salariales et ainsi sur l’inflation. Cette complémentarité a été spécialement étudiée dans le contexte allemand d’inflation des années 1970.

3. Système international des changes (Triffin)

Avant la fin du système de Bretton Woods les politiques monétaires européennes sont particulièrement orientées vers le contrôle des change avant de se tourner vers une lutte contre l’inflation.

4. Stabilité monétaire et financière

Analyse du consensus de Jackson Hole qui défini le mandat des banques centrales comme étant de se concentrer sur la stabilité monétaire et non sur la stabilité financière. Les crises, notamment récentes, de liquidité/solvabilités des établissement banquaires et financiers montrent l’intrication de ces deux paradigmes.

Source principale :

Cahiers d’économie politique (2022) Théorie et évolution des banques centrales

Autres lectures :

André Orléan (1998) La monnaie autoréférentielle

André Orléan (2011) L’empire de la valeur

Michel Aglietta et Natacha Valla (2021) Le futur de la monnaie

John M. Keynes (1936) The general theory of employment, interest and money

Blog de la Banque de France

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